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Numéro 604
17 février 2008

Sans Titre

musique

 

Il n'y a que du noir devant tes yeux. Surtout quand ils sont ouverts. Tu les écarquilles à en avoir mal, mais le noir est toujours là, partout, tu le sens presque absorber la lumière, la matière, toutes les particules autour de toi.
Fait pas froid. Fait pas chaud. Aucun mouvement d'air. 
Un frisson remonte le long de ton bras jusque dans ta nuque. Tu sens même les racines de tes cheveux qui se dressent sur ta tête. 
Il y a toujours cette putain de boule dans ta gorge et les larmes toutes proches qui ne veulent pas sortir.
Un léger tremblement dans tes mains, et comme un petit picotement au bout de tes doigts. 
Ton souffle, trop profond. Des expirations comme des soupirs. 
Il n'y a pas un bruit. Mais le silence est assourdissant, aussi lourd et dense que l'obscurité.
Tu ne sens presque plus le sol sous tes pieds. A devenir folle.
Alors tu te débats dans le vide, tu cries pour déchirer le silence, mais il se referme avant même que ta bouche ne soit close.
Tu t'arrêtes, essoufflée. Ton cœur bat fort dans ta poitrine, tu sens une veine qui palpite dans ton cou. 
Mais tu ne te sens pas mieux.
Le pire c'est cette absence de référence, cette perte totale de repères. Rien de vrai, rien de net, rien de sûr. Même le sol semble se dérober. Il n'est ni dur, ni mou, ni chaud, ni froid, comme si il était composé de cette même tiédeur moite que l'air qui t'entoure. Juste un peu d'air, un peu plus dense, légèrement plus compact.
Et d'un coup, il y a quelque chose qui se rompt. Un affaissement général de tout ce qui t'entoure. De toi aussi. 
Tu noues tes mains à ta gorge, tu as l'impression de suffoquer. Tu te dis que tu vas peut être mourir ici, sans savoir. Sans te souvenir de rien. 
De la lumière, 
du froid, 
de ton prénom.
Tu es peut être déjà morte en fait. C'est ça la mort ? Le néant ? Le grand Rien ? 

_____ « si je pense c'est que j'existe, 
________si je pense c'est que j'existe
__________je pense donc je suis
____________si je pense, c'est que j'existe .... »


Mais est-ce que je pense ? Est-ce que je rêve ? Et si je n'étais rien ? qu'un souffle, qu'une fin. Une invention, une idée sans conscience, sans consistance. 
Tu cours pendant des heures qui durent quelques instants, sur des kilomètres qui pourraient n'être que des millimètres. Tu brasses de l'air sans en ressentir la caresse, pas un poil ne vibre sur tes bras. Tu finis par ne plus savoir si tu bouges, si tu avances, si ton esprit est encore relié à des muscles, à un corps bien vivant.
Alors tu utilises le seul sens qui te reste. Et tes ongles s'agrippent à tes bras comme pour se cramponner à la vie. 
Mais tu ne sens rien.
Ni la douleur de l'écorchure, ni même les trois gouttes poisseuses qui coulent le long de ton bras. A peine une interruption sur le lisse de ta peau.
Il ne te reste rien alors. Rien à faire. 
Tu lâches prise. Volontairement ou non, quelle importance. Tu sens ton esprit s'éloigner lentement. Il flotte autour de toi, de ce que tu crois, tu ce que tu sais, de ce que tu es. Il s'effiloche et se vide. Il ne va pas bien loin, non, dans un endroit encore un peu plus noir, un peu plus tiède, un peu moins dense encore.



Et puis tu sens un peu d'air sur ta joue, et le froid, quand il passe sur le sillon humide qui va du coin de ton œil gauche à la commissure de tes lèvres. 


La première larme.

Et une bande dorée sous la porte.

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